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Super Mario Odyssey – Grand voyage et retour en grâce

Des pavés dans la mer

15 novembre 2017

Lorsque Nintendo fit son show le 13 janvier 2017 en annonçant – enfin ! – la date de sortie de sa Switch et du très attendu The Legend of Zelda: Breath of the Wild, une annonce était particulièrement espérée de la part d'une marque ne pouvant ignorer sa mascotte : celle d'un nouveau Super Mario. Pas juste d'un Mario, non non, d'un "Super Mario", à savoir un titre de plate-forme / aventure canonique dans une série qui n'a par ailleurs livré aucun épisode véritablement en 3D depuis Super Mario Galaxy 2 en 2010. Tout comme Zelda, à ce moment précis, cela fait donc plus de cinq ans que l'on attend le retour du plus célèbre des plombiers ; que dire, du personnage de jeux vidéo le plus connu au monde ! Bien que Super Mario 3D World ait beaucoup plu à la majorité de celles et ceux s'y étant frotté(e)s, votre serviteur en tête, il a en effet synthétisé toute l'amertume des fans face au potentiel complètement inachevé, pour ne pas dire bâclé, d'une Wii U qui n'aura donc jamais eu son "vrai Mario 3D", comme elle n'a jamais eu son propre Zelda. Cependant, l'enthousiasme de l'annonce de Super Mario Odyssey, en cette froide aube de janvier, fut tempéré par bon nombre de prises de risques accueillies avec une rare réserve. De quoi raviver le syndrome Breath of the Wild, incitant à autant d'inquiétude que d'euphorie, pour le résultat que l'on sait ? Les clés (à molette) sont dans les poches de la salopette de Mario…



Note sur les conditions de jeu :

 

Cet article a été rédigé entre deux et trois semaines après la réception d'un exemplaire physique du jeu (pour lequel je tiens à remercier laboitecom) et environ 8 jours de jeu très intensif (70 heures si j'en crois mon journal d'activité). Un article qui aurait pu paraître un peu plus tôt si la Paris Games Week n'était pas venue s'immiscer entre temps, et j'en suis désolé auprès de celles et ceux qui l'attendaient ! Ma partie étant désormais terminée et ce pratiquement à 100%, je me permets donc de vous livrer le ressenti le plus complet possible, quitte à arriver après la bataille, estimant que ce genre de jeu exige davantage d'expérience que d'autres pour en tirer toute la quintessence et écrire au mieux à son sujet. Comme de coutume, l'intégralité des captures d'écran a été effectuée par mes soins.

 

 

 

 

Grand Theft Mario

 

 

S'il y a bien un domaine dans lequel Nintendo s'est considérablement amélioré au cours de ces derniers mois, c'est dans sa communication et la façon de présenter ses jeux. Après avoir distillé au compte-gouttes les informations, visuels et vidéos sur The Legend of Zelda: Breath of the Wild depuis l'annonce officielle du jeu, à l'E3 2016, jusqu'à sa sortie en porte-étendard de la Switch en mars dernier, la marque a remis ça avec son plus célèbre représentant, j'ai bien entendu nommé Super Mario. En reproduisant une méthode de teasing progressif qui n'est pas sans rappeler celle de Rockstar avec ses Grand Theft Auto, Nintendo se mettait à la fois une énorme pression en promettant beaucoup tout en taisant les principales surprises, mais surtout, donnait envie aux joueurs comme rarement en dépit de quelques réticences et interrogations relativement légitimes. La communication massive sur la zone urbaine du jeu, "New Donk City", inquiétait à peu près autant les fans en manque de nouvelles aventures du plombier que l'avait fait Breath of the Wild envers les aficionados les plus conservateurs de Zelda. Aussi, tout en rénovant son approche des joueurs – on n'osera dire "consommateurs" – Nintendo prenait également d'étonnants risques, à savoir en mettre plein la vue pour promouvoir un titre prenant enfin des risques, et potentiellement décevoir une fanbase pour le coup sacrément traditionnaliste, un peu à l'image d'une firme connue pour cette mentalité finalement très nippone. Si le célèbre éditeur-développeur a en effet, depuis la DS (au moins !) pris l'habitude de créer de la nouveauté en terme de hardware et de proposer régulièrement de nouvelles licences originales et souvent (très) appréciées, la redondance des productions autour du Royaume Champignon et d'Hyrule commençait à en lasser pas mal. La faible fréquence de nouveaux épisodes, ainsi que leur réalisation toujours impeccable, permettait néanmoins d'un peu tout pardonner à chaque fois. Un nouveau Mario ou un nouveau Zelda "canoniques" ont toujours fait mouche, remportant systématiquement un succès critique et populaire. Aussi, Breath of the Wild recevant les louanges qu'on sait, notamment à la grâce de son audace et de son renouvellement de tout un univers (voire d'un genre), Super Mario Odyssey devait suivre le même chemin.

 

 

Après tout, y avait-il des raisons pour que le premier Mario de la Nintendo Switch (et première exclusivité réellement majeure de la console, finalement, aux allures de system-seller) puisse se louper ? On avait pu le voir à travers son premier Zelda : il n'y avait pas de quoi douter de la production d'un Eiji Aonuma extrêmement sûr de lui, à raison. La comparaison entre les deux géants de la Switch reviendra assez régulièrement dans cette critique pour tout un tas de raisons que j'expliquerai au fur et à mesure. En attendant, à travers mon premier aperçu du titre effectué lors d'un événement post-E3 organisé par Nintendo à Paris, j'avais pu poser mes mains sur "Odyssey" et surtout découvrir ce que renfermait New Donk City, ce qui semblait constituer le véritable pari de level design et d'ambiance d'un titre qui cachait jusqu'ici énormément son jeu. Très peu de séquences avaient été dévoilées jusque-là, Nintendo prenant soin de protéger des regards le plus de facettes possible de son bébé, et il y avait de quoi être sceptique quant au choix d'une zone urbaine, rappelant pas mal "GTA" finalement, pour en faire la meilleure promotion. Certes, une zone semi-désertique nous avait également été présentée, et témoignait de la beauté certaine d'un titre visuellement plus fin, plus fluide et graphiquement plus abouti que "BotW", mais tout l'accent était mis sur cette New York City revisitée, et dont on sentait qu'elle dissimulait bon nombre d'easter eggs renvoyant aux plus jeunes années de notre plombier. Il convient en effet de rappeler que c'est en tant que charpentier, sous le nom de Jumpman et surtout dans un cadre supposé être celui de Brooklyn, que le plus célèbre des moustachus à casquette avait entamé sa carrière au début des années 1980. Seulement voilà, jouer sur la corde sensible du retrogaming, des sprites 2D et de l'époque de la NES, Nintendo l'a déjà (trop) fait, et on pouvait donc tout à fait se demander si cet aspect "madeleine de Proust" allait encore fonctionner après que la bande de Miyamoto en ait usé et abusé.

 

 

         

 

 

Vous l'aurez compris, Super Mario Odyssey est un titre qui incite, de prime abord, à la plus grande prudence, de par des présentations majoritairement axées sur un univers pas forcément accueilli chaleureusement par tout le monde, ou une communication aussi agressive qu'efficace quelque peu inhabituelle chez Nintendo. Une méthode à laquelle il va clairement falloir s'habituer néanmoins, "Big N" semblant enfin maîtriser depuis environ un an cet art qui lui avait cruellement fait défaut autour d'une Wii U jamais correctement expliquée ni mise en avant. Pourtant, à peu près tout le monde, fan de la première heure ou plus récent, semblait céder à une hype croissante au fil des semaines, finissant notamment par craquer pour une Switch (dans la mesure de ses disponibilités toujours aussi aléatoires…) à la seule faveur d'une approche quasi parfaite d'un joueur-consommateur toujours très critique, mais également toujours aussi simple à convaincre sur la base de ces petits détails qui savent vendre un jeu. Et il faut bien l'avouer, l'ultime bande-annonce reprise sous forme de spot publicitaire télévisuel ne pouvait que faire fondre bon nombre de cœurs de gamer, au travers de cette comédie musicale façon Broadway, remettant sur le devant de la scène une Pauline d'une élégance et d'un charme inouïs entonnant "Jump Up, Super Star!", mélodie dont on sentait qu'elle allait rester dans nos mémoires avant même d'avoir constaté (ou non) sa présence dans le jeu, et si oui dans quel contexte. Devenu presque hollywoodien en plus de renouer avec ses racines new-yorkaises, notre petit moustachu même plus officiellement annoncé comme plombier se devait d'être la star absolue de cette fin d'année, comme il ne l'avait pas été depuis longtemps. Nintendo succombait-il à la tendance de plus en plus cinématographique des jeux vidéo modernes, porté par les capacités stupéfiantes de sa Switch ? Il est l'heure de voir si oui ou non, Super Mario Odyssey est le festival plein d'étoiles qu'il promettait quelque peu pompeusement d'être.

 

 

 

 

Mario contre les Lapins Crétins

 

 

Lorsque l'on débute Super Mario Odyssey, on doit composer avec une cinématique d'introduction posant bon nombre de bases, y compris celle d'un contexte scénaristique très "déjà vu" mêlant le classicisme aussi grotesque qu'assumé de l'enlèvement de Peach par Bowser, mais aussi la thématique plus délicate et évoquée une seule fois par le passé (dans Super Paper Mario sur Wii, il y a dix ans de cela déjà !) du mariage forcé de la princesse au féroce et impitoyable roi des Koopa. Cette introduction, qui nous plonge de fait dans la première zone du jeu (pas spécialement teasée, et tant mieux), constitue également l'occasion de faire connaissance avec des antagonistes pour le moins surprenants, à savoir un crew de lapins complètement tordus et manquant singulièrement d'élégance. Pas de Koopalings en vue cette fois, mais des adversaires massifs, réunis sur un bateau volant et déterminés à barrer la route d'un Mario clairement pas invité au mariage royal. Si on ne saura jamais véritablement à quel niveau peut réellement se situer le clin d'œil à la production d'Ubisoft sortie en exclusivité sur Switch deux mois plus tôt, il est impossible de ne pas faire d'analogie : ces vilains lapins sont rieurs, ont la bougeotte, et se montrent particulièrement agaçants. Fort heureusement, il s'agira de la seule relative faiblesse côté chara design, compensée tout au long du titre par un bestiaire essentiellement déjà connu mais exploité d'une façon novatrice et particulièrement réussie. Il est bien entendu question ici de la toute nouvelle capacité de Mario, qui prendra l'apparence (et les pouvoirs) de n'importe quel ennemi ou presque à l'aide d'une casquette qui n'aura jamais été aussi mise en avant en trente-six ans de bons et loyaux services. C'est bien entendu durant cette introduction, mettant en scène un Pays des Chapeaux plutôt enchanteur, mi-Tim Burton (côté esthétique) mi-Pixar (sur le plan musical), que Mario fera "connaissance" avec Cappy – puisque c'est le nom de ce couvre-chef pour le moins hyperactif. Dans un esprit qui rappellera quelque peu The Legend of Zelda: Minish Cap, la coiffe du héros jouable en devient le principal PNJ allié, mais cette fois-ci c'est à une infinité de possibilités de gameplay que Nintendo donne accès.

 

 

Super Mario Odyssey choisit de s'inscrire dans la lignée de ses (plus que) glorieux prédécesseurs en 3D ouverte, mais surtout du côté de Super Mario 64 et de Super Mario Sunshine. En ce sens, il fait abstraction du concept de power-ups (champignons, fleurs de feu, étoiles d'invincibilité, feuilles ou plumes…) au profit d'éléments qui lui seront propres et surtout uniques. Mario 64 avait ses casquettes ailée, de métal et d'invisibilité, Sunshine proposait diverses évolutions du jet-pack fixé dans le dos de Mario pour lui offrir une propulsion verticale ou un turbo, par exemple. Odyssey, de son côté, n'offre absolument aucun objet transformant l'apparence du plombier ou modifiant son équipement, et se contente juste de lui octroyer des cœurs de vie par-ci par-là pour maintenir à flot une jauge de 3 unités de base, extensible à 6 avec un super-cœur relativement peu courant – à moins d'user et d'abuser de l'amiibo de Peach en tenue de mariée, hélas trop peu limité en nombre d'utilisations. Par contre, et c'est là que se situe toute sa spécificité, plusieurs dizaines de transformations en ennemis voire en objets fixes (dont des statues ou éléments de végétation) sont au programme, offrant à Mario ses possibilités de gameplay les plus riches jamais vues. Si certaines seront anecdotiques et/ou facultatives, permettant parfois de débloquer l'accès à des lunes optionnelles (oui, dans Mario Odyssey, on collectionne les lunes), la majorité de ces métamorphoses sera utilisée à bon escient au cours d'une aventure qui mise beaucoup dessus, forcément, puisqu'elles constituent le gimmick majeur d'un titre qui a axé toute sa communication autour de cette jouabilité. Indispensable contre les boss (ces fameux lapins donc, mais pas que !), cette technique d'une simplicité et d'une accessibilité affolante devient un réflexe tel que rejouer par la suite à un Mario ne la proposant pas laissera quasi instantanément un sentiment de vide. Ce qui, on n'hésitera pas à le souligner, n'est pas sans rappeler un certain Breath of the Wild, imprimant à une série un nouveau rythme à suivre, et donnant l'impression que quelque chose manque dans tous ses prédécesseurs.

 

 

À propos de la comparaison Super Mario Odyssey / Breath of the Wild :

 

Le rapprochement constant entre les deux titres, comme évoqué en amont, ne manquera pas de revenir à nouveau par la suite dans cet article : cela n'a finalement rien de surprenant vu que Nintendo a, pour la première fois de son histoire, publié lors de la même année un nouvel épisode de chacune de ses deux séries phares et ce à travers des sorties mondiales à chaque fois. Il a certes fallu effectuer un certain travail d'archiviste pour s'en assurer, mais la seule proximité ressemblante concerne Super Mario Sunshine et The Wind Waker, tous deux sortis dans le monde entier à moins d'un an d'intervalle. Cependant, ces sorties ne furent en aucun cas simultanées, et surtout étalées sur les années 2002 et 2003, contrairement aux deux premiers hits majeurs de la Switch, tous deux sortis en 2017 (et chacun étant respectivement éloigné des années 2016 et 2018 de deux mois et trois-quatre jours !). Bien sûr, les deux jeux n'ont pas les mêmes intentions, mais cette comparaison constante trouvera assez régulièrement son sens.

 

 

 

 

Around the World

 

 

On l'a dit et redit, et ce qu'on le veuille ou non : Breath of the Wild constitue une révolution quasi intemporelle d'un genre, bien au-delà de celle d'une série qui en avait bien besoin. Super Mario ayant tendance à se reposer sur pas mal de vieux acquis lui aussi, malgré les succès critiques et commerciaux des deux Super Mario Galaxy, bon nombre attendaient qu'il casse la baraque un peu comme l'opus Nintendo 64 l'avait fait en son temps – avant d'être suivi par un Ocarina of Time universellement acclamé, pour poursuivre cet éternel parallèle entre les deux sagas. Cependant, et quitte à prendre à contre-courant la structure habituelle de mes critiques, je vais répondre de suite à une question récurrente : non, Super Mario Odyssey n'est pas autant une révolution que le fut Breath of the Wild. Il n'est même pas certain qu'il en ait de toute façon eu l'intention un jour. À défaut de bouleverser autant de codes établis et de redéfinir un genre, celui que l'on peine encore un peu à abréger "SMO" trouve néanmoins le moyen de le sublimer, et ce n'est pas un vain mot. En plus de disposer d'une intelligence de level design inédite dans la série, qui pour le coup rappelle celle de "BotW" appliquée à la loufoquerie de l'univers Mario, le dernier-né de Nintendo EPD prend ses libertés à sa façon, comme pour synthétiser cet aspect "voyage" tellement mis en avant dans les différents visuels et diverses promotions du titre.  Après s'être cantonné à la transcription 3D du Royaume Champignon et de ses fondamentaux dans Mario 64, puis pris des vacances méritées (mais ratées) sur l'Île Delfino de Mario Sunshine, on pensait que Nintendo avait trouvé le moyen d'envoyer son icône faire voler en éclats bon nombre de limites à travers son odyssée de l'espace dans les fameux Galaxy. Là où Breath of the Wild avait rafraîchi son monde, en proposant une nouvelle vision du jeu d'aventure en monde ouvert, Super Mario Odyssey opte davantage pour une sorte de voyage aussi touristique qu'initiatique : à travers un tour de cette planète fictive mais pourtant drôlement familière, Nintendo rafraîchit le divertissement qu'a toujours constitué Super Mario avec une aisance désarmante. Aussi, ne pas spoiler tous les éléments qui le rendent si particulier, pour ne pas dire si extraordinaire, représente un exercice tout aussi périlleux que lorsque cela concernait les dernières aventures de Link. Il va pourtant falloir s'y mettre car avancer que Super Mario Odyssey est exceptionnel, aussi tôt dans mon analyse et sous un tel aspect de conclusion, n'aura aucune valeur si cela n'est pas justifié dans les grandes largeurs.

 

 

Il est communément attendu d'un grand jeu vidéo qu'il sache exceller sur une écrasante majorité de points clés, constituant à coup sûr la recette de son succès, quitte à ce que l'un d'entre eux soit quelque peu mis en retrait, l'équilibre parfait des forces n'ayant jamais vraiment existé. Pour qu'une œuvre de ce type atteigne le panthéon, elle se doit d'être un plaisir à jouer manette en main, mais aussi à regarder, à écouter, offrir bon nombre de surprises, proposer des concepts intelligents, ne jamais frustrer inutilement le joueur ou sombrer dans la répétition pour rallonger l'expérience qu'elle offre… En partant de deux postulats de gameplay et de level design de base, à savoir l'exploitation de Cappy et le tour du monde relativement scénarisé de Mario, Nintendo peut promettre une variété presque démesurée, et surtout, de satisfaire toutes ces exigences. D'entrée de jeu, il suffit de savourer le prologue enchanteur et mélancolique du Pays des Chapeaux pour comprendre que la patte artistique est présente, que des secrets sont déjà dissimulés à gauche à droite, et que l'on va apprendre bon nombre de subtilités dans le maniement de Mario et surtout l'utilisation de son nouvel acolyte. Au point d'espérer, avec une candeur enfantine que les Mario savent mieux procurer chez le joueur que quiconque (surtout passé le cap des trente ans…), qu'on reviendra tôt ou tard dans cet univers à la teinte quasi monochrome, pour lui apporter de nouveau le sourire et la couleur. Comme quinze ans auparavant sur l'Île Delfino, on se sent d'emblée investi d'une mission de reconquête sur fond de trame artistique, comme si l'étonnante grâce de cette aventure était déjà palpable après un petit quart d'heure de jeu.

 

 

         

 

 

Évoquer la "forme" de Super Mario Odyssey pourrait franchement prendre un bout de temps. Si les Mario ont toujours été des jeux colorés, relativement simplistes mais chaleureux et au design globalement très réussi (qu'est-ce qui a bien pu être vraiment critiqué en trois décennies en-dehors des PNJ de Sunshine, honnêtement ?), personne n'a cependant loué des prouesses réelles au niveau de leur direction artistique. Sur ce plan, Odyssey fait des efforts incommensurables pour séduire bien au-delà de ses nombreuses idées de fond, dans des proportions qu'aucun des titres de la série n'avait réellement osées jusqu'ici. Bien entendu, cela sous-entend une certaine prise de risque, qui ne va pas forcément plaire à tout le monde. On a déjà parlé de New Donk City, attraction urbaine mise en avant presque à l'excès par Nintendo dans sa communication, et qui mériterait sincèrement qu'on lui accorde un paragraphe entier ; mais en réalité, n'importe quelle zone de "SMO" justifierait de s'y attarder aussi longuement. Aussi nombreux que dans le "modèle" N64 auquel il rend des hommages plus que touchants, et que je ne ferai que suggérer pour garder un maximum de surprises, les "pays" de Mario Odyssey remplissent chacun merveilleusement bien leur rôle de dépaysement l'un envers l'autre, offrant une diversité rarement explorée en un seul titre de la série. Tout juste pourra-t-on déplorer leur inégalité de traitement parfois criante, tant certains semblent avoir été extrêmement travaillés et vastes (le désert et New Donk City, comme par hasard les deux univers les plus mis en avant en tête), tant d'autres s'avèrent trop fermés et inexploités. Fort heureusement, c'est probablement au niveau des "pays" sur lesquels Nintendo avait le moins communiqué que se trouvent les plus jolies surprises et de bien beaux espaces à explorer. Chaque zone est plutôt vaste, largement au-delà de celles des aînés sur N64 et Game Cube bien entendu, et ce aussi bien en terme de verticalité que de profondeur. Il y a bien une ou deux zones dont le concept et le style pourront être discutables, un peu trop colorées au point de vraiment piquer les yeux, mais dans la globalité, aucune ne dénote réellement par rapport à une autre, tant elles s'accomodent aux principes de gameplay d'un jeu qui cherche également à s'adapter à ses niveaux. Surtout, et cela vaut le coup d'être précisé, la plupart des éléments de décor sont réellement jolis et bien modélisés, bien que le déséquilibre mentionné plus haut se poursuive dans la qualité de la réalisation. Parfois sublime (et porté par une fluidité à 60fps quasi jamais en souffrance me concernant, contrairement à ce que j'ai pu lire çà et là), Mario Odyssey se montre aussi de temps en temps un peu vilain voire bâclé, et ce ne sont pas les (nombreuses) zones de plate-forme bonus aux allures de Super Mario 3D World qui lui rendront le meilleur hommage.

 

 

 

 

Si Nintendo ne réussit pas totalement sa mission en tentant d'offrir un certain équilibre à chacun des pays à visiter, il trouve en revanche un moyen efficace de les relier sans pour autant proposer le moindre "hub" central, ce qui constitue une certaine performance de level design. La progression, linéaire au début puisque suggérant plus qu'explicitement d'enchaîner les pays dans l'ordre imposé (même si on peut revenir quasi à volonté aux précédents), se fait au travers de l'Odyssée, vaisseau volant en forme de chapeau et dont la puissance augmente au fil des lunes que l'on récupère. Ce moyen de transport fantastique est quasiment disponible en permanence grâce à un système de téléportation bien pratique, surtout que nécessitant à peine 3 secondes de chargement pour y revenir, le jeu étant particulièrement peu gourmand à ce niveau ! Grâce aux points de contrôle disséminés un peu partout dans chaque zone, matérialisés sous la même forme que ces drapeaux de Bowser remplacés par ceux au "M" rouge (une constante depuis quelques années dans la série maintenant), Mario peut se téléporter pratiquement instantanément d'un bout à l'autre de chaque map. Ce processus, qui pourrait sembler un peu trop simple au début, devient cependant réellement pertinent à mesure que l'on réalise l'immensité de chaque pays. L'exploration de chacun d'entre eux devient alors un véritable plaisir, et ce d'autant plus qu'aucun n'est avare en surprises et en secrets. Chaque "monde" de Super Mario Odyssey constitue une invitation à l'exploration et donne envie d'y revenir dès qu'on en est parti, en plus de bénéficier de sa propre identité sur énormément de plans. D'une certaine façon, la visite d'un pays rappelle vraiment nos souvenirs de touristes de la vie réelle : on passe quelque temps dans une ville ou un pays pour en découvrir les attractions principales, on s'attarde sur quelques éléments insolites, on ramène des souvenirs, et on a déjà hâte d'y revenir un jour pour en découvrir de nouvelles subtilités et des charmes qui nous auraient échappé.

 

 

Super Mario Odyssey a bien compris comment matérialiser son petit tour du monde sous forme de voyage aux innombrables souvenirs : la map de chaque pays est en fait un guide touristique dépliant (bon, déjà déplié de base, certes…) proposant de chaque côté de la carte une revue de ses principales curiosités et caractéristiques, allant jusqu'à renseigner sur sa population et sa monnaie spécifiques. On ne peut clairement s'empêcher de la consulter, dès qu'on pénètre dans un nouveau pays, pour en apprendre déjà un petit peu sur ce qui nous attend, par pur réflexe de touriste. En effet, toutes les zones du jeu proposent non seulement un gentilé original et souvent très accueillant – surtout lorsque Mario les libère du passage de Bowser et de ses sbires – mais également une monnaie dont 100 (ou 50, selon la taille des zones) exemplaires sont disséminés à gauche et à droite. Collecter l'intégralité des deniers disponibles est totalement facultatif pour progresser dans le jeu, mais permet d'acheter des souvenirs propres au pays visité qui décoreront l'intérieur et l'extérieur de l'Odyssée, mais aussi une voire des tenues caractéristiques ! Si ces dernières n'ont qu'une fonction purement esthétique et n'offrent aucun pouvoir supplémentaire à Mario, elles lui autorisent parfois l'accès à certains espaces fermés et réservés à une catégorie de personnes bien précise, et surtout, elles rendent hommage à beaucoup de "skins" du plombier jusqu'ici réservées aux artworks d'épisodes le plus souvent 2D. On pensera notamment à la tenue de cuistot de Yoshi's Cookie, celle d'aventurier de Mario's Picross, ou encore celle de golfeur ou de mécanicien des vieux jeux de sport de la NES et de la Game Boy ! Enfin, cela va sans dire : en fonction des tenues portées (une quarantaine, rien que ça), les propos des (nombreux) PNJ évolueront vis-à-vis de Mario au gré de leurs rencontres. Ceci ne constitue qu'une très, très faible part des innombrables petites surprises offertes par un titre qui n'a, sur ce plan, pas grand-chose à envier à un Breath of the Wild pourtant immensément plus ouvert.

 

 

 

 

Super Mario Symphony

 

 

Vous l'aurez compris, Super Mario Odyssey est un titre qui sait surprendre et se renouveler constamment, et en ce sens Mario marche avec brio dans les pas de Link. Cependant, cette incessante comparaison entre les deux hits imposés d'entrée à la Switch peut trouver ses limites sur un bon nombre de points. Là où Breath of the Wild s'émancipait énormément de ses prédécesseurs, Super Mario Odyssey reste très attaché à de nombreux fondamentaux, reprenant une base de gameplay 3D finalement inchangée depuis 1996. Mario saute, rebondit, et enchaîne avec un troisième saut plus puissant, ou il rebondit sur les murs ; il effectue un salto arrière, ou encore un saut en longueur, à partir de la touche lui permettant de s'accroupir ; enfin, il ne peut jamais spécialement sprinter (sauf power-up spécifique), vu que son déplacement est déjà basé sur un rythme de course. Les nouveautés vont se situer au niveau de chaque transformation, puisque chaque créature dont Mario prendra l'apparence (en lui greffant moustache et casquette du plus bel effet !) bénéficie de sa propre jouabilité. Les Goombas peuvent ainsi s'empiler pour former des tours, les Frères Marteau jeter leurs armes pour briser des obstacles, les chenilles s'étendre en longueur, les boulets de canon voler à hauteur stable jusqu'à exploser des blocs, etc. Outre ces grands classiques d'un bestiaire déjà très connu, on exploitera bon nombre d'autres métamorphoses originales voire très inattendues, à l'instar de ce T-Rex aussi puissant que magnifiquement modélisé montré dans les bandes-annonces. Le panel d'actions de Mario est absolument gigantesque et sans commune mesure avec tout ce qu'on avait pu expérimenter jusqu'ici… à moins qu'on ne contrôle en réalité Cappy, prenant essentiellement l'apparence de Mario ? Bon nombre de théories ont fleuri en marge de la présentation du jeu et se sont poursuivies autour de sa commercialisation. Je ne m'étendrai toutefois pas spécialement dessus, préférant naïvement profiter d'une expérience de jeu incroyablement variée et rafraîchissante, et dont je n'ai pas fini de conter les étonnantes subtilités.

 

 

Une autre feature amusante et dont on craignait qu'elle ne constitue qu'un gadget se situe au niveau de ces passages en 2D qui donnaient l'impression, en premier lieu, de tirer abusivement sur la corde de la nostalgie. Il faut l'admettre, Nintendo a surexploité les sprites et l'univers 2D de Super Mario Bros. au cours de ces dernières années, et le fait d'offrir des zones "plates" avait de quoi susciter une certaine méfiance. Finalement, ce gimmick s'intègre parfaitement bien à la logique de progression des différentes zones, qu'il soit facultatif (zones secrètes) ou non dans le déroulement de l'aventure, tout simplement parce qu'il est manié avec soin. La facilité et la fluidité avec lesquelles on passe d'un environnement 3D à son équivalent 2D (et inversement) sont saisissantes. Ces passages rappellent quelque peu les peintures d'A Link Between Worlds, offrant en plus des "remix" 8-bit des thèmes musicaux propres à chaque zone au moment où l'on pénètre dedans, et on ne pourra que regretter que le déplacement au stick y soit imposé. En jouant en solo, il y avait moyen d'exploiter la croix du pad Pro de la Switch ou des quatre boutons disposés en ce sens sur le joy-con gauche, pour en rendre la maniabilité encore plus efficace (et pertinente). Dans un même registre, les zones secrètes, très orientées plate-forme pure / réflexion, rappellent le style de Super Mario 3D Land ou 3D World, dont seuls les acquis les plus qualitatifs semblent avoir été retenus et importés. En outre, Mario y est régulièrement privé de Cappy et de ses pouvoirs, ce qui n'est pas sans évoquer les très délicats – voire irritants – passages bonus de Sunshine, sauf que la jouabilité y est infiniment moins frustrante. Il faut dire que le maniement de base de Mario, dans Odyssey, est finalement très classique et résolument pensé pour la plate-forme pure, ce qui ne l'empêche pourtant à aucun moment d'être un excellent titre au niveau de l'exploration. La comparaison avec Banjo-Kazooie est pas mal revenue chez certains joueurs et se justifie ici tout à fait. En plus de constituer une ode au voyage et au dépaysement, Super Mario Odyssey nous invite clairement à visiter les moindres recoins de tous ces pays auxquels il cherche à donner plein de charme à chaque seconde de jeu.

 

 

         

 

 

Comme j'ai pu l'expliquer plus haut, Nintendo a pris soin d'offrir un cachet particulier à chaque pays et à s'attarder sur son lore (population charismatique, monnaie spécifique, monuments et attractions, folklore local…), et bien entendu un soin notable a été apporté à la bande son supposée se caler sur chacune de ces atmosphères. Sans surprise, on retrouve des thèmes qui reprennent les clichés "régionaux" habituels, mais aussi beaucoup de compositions moins prévisibles et inspirées, comme celle de la forêt, ou du pays de la mer qui rappelle énormément Sunshine, forcément. Régulièrement énergique et presque rock, elle suit plutôt pas mal la lignée de l'excellente bande son de Mario Kart 8. Surtout, cette "OST" est pleine de petits clins d'œil plus ou moins discrets mais souvent touchants, et elle offre une interaction étonnante avec le jeu. Super Mario Odyssey est un titre extrêmement musical, qui cherche à marquer également du côté de sa bande originale, ce qui n'a rien de surprenant quand on sait que son spot publicitaire le plus célèbre met en scène Mario dans une sorte de comédie musicale façon Broadway. En ce sens, Nintendo avait teasé l'un des passages les plus touchants et fun (à la fois !) de sa création, que l'on taira ici bien entendu pour préserver tout suspense, mais qui constitue un de ces grands moments de jeu vidéo dont on se rappellera à coup sûr. Si la bande son d'Odyssey présente des inégalités "logiquement" en accord avec le relatif déséquilibre des environnements présentés, elle n'en demeure pas moins un point fort indiscutable, exploité avec discrétion et justesse dans une des nombreuses quêtes additionnelles d'un after game très riche sur lequel je reviendrai plus bas (non, ce n'est pas du spoil). Porté par une identité visuelle riche et forte, ce nouveau Mario obtient à coup sûr une note artistique élevée, puisque même s'il n'est pas le plus beau jeu du monde, il place régulièrement la barre assez haut techniquement pour une Switch rarement en souffrance (et particulièrement à l'aise en mode portable comme toujours). Et surtout, il intègre Mario dans un univers mêlant la fantaisie très "cartoon" habituelle à des environnements plus réalistes, avec quelques éléments de décor ou personnages particulièrement superbes, sans que cela ne choque vraiment. Bien sûr, ce dernier point demeure à l'appréciation de chacun, mais une majorité semble convenir que le pari est réussi et que Mario se fond plutôt bien dans ces nouveaux environnements, et surtout dans New Donk City – j'y reviens encore – qui constitue la vraie bonne surprise de cette nouvelle création.

 

 

En balançant son plombier dans un environnement urbain tout en verticalité faisant écho, 35 ans après, à ses toutes premières aventures extrêmement limitées techniquement, Nintendo ose quelque chose qu'il ne s'était en réalité jamais permis, et profite peut-être tout simplement des capacités finalement étonnantes de la Switch pour boucler la boucle. Plus que toute autre zone du jeu, ce bout de ville évidemment totalement inspiré de Manhattan constitue en outre une étonnante dédicace à Donkey Kong, du jeu d'arcade jusqu'à la réinterprétation faite par Rareware dans les années 1990, à travers une jolie quantité de clins d'œil plus étonnants et savoureux les uns que les autres. En tête de cette série d'hommages, le retour du personnage de Pauline, transformée en maire dynamique et respectée doublée d'une chanteuse touchée par la grâce, constitue une surprise merveilleusement exploitée et particulièrement touchante. Placée tout à fait stratégiquement dans l'aventure, cette partie du voyage de Mario est une véritable réussite tant elle innove en déroutant le joueur, pour mieux le surprendre et l'émerveiller lors d'un climax attendu mais qui trouve le moyen de faire mouche. Oui, New Donk City est le vrai coup de cœur au sein d'un jeu qui n'en manque pas, et méritait ce petit aparté.

 

 

 

 

Dark Side of the Moon

 

 

Y a-t-il ne serait-ce qu'une seule chose qui ne va pas au Pays des Chapeaux ? Bien entendu. Parmi les innombrables points de comparaison entre Super Mario Odyssey et son illustre aîné sur Nintendo 64, un "défaut" quasi permanent va revenir dans l'esprit de tous les joueurs : ce nouvel épisode est trop facile, tout simplement. Sans verser dans une permissivité abusive (à moins d'opter pour un mode dit "assisté" pour le coup réservé aux plus jeunes et aux non-joueurs, ou presque), ce nouveau Mario propose certes sa dose de challenge mais comme toujours, en marge de l'aventure principale, et surtout très tardivement pour le coup. Même sans céder à la tentation d'user et d'abuser d'un amiibo Peach qui double la jauge de vie du plombier quasi à volonté, il est quand même assez rare de mourir. En outre, la quantité très élevée de pièces (dont la réserve maximale est limitée à 9999), qui font office de vies pour le coup, incite à la prise de risque puisqu'on récupère sans difficulté et très rapidement les 10 unités perdues à chaque échec. Mario Odyssey n'inclut ni système de vies ni game over et il faut l'admettre, cela ne dérange pas foncièrement, le titre étant tellement facile dans sa globalité qu’on ne serait probablement jamais tombé sur ce genre de situation. On regrettera quand même que Mario, pour la première fois, puisse chuter de dizaines de mètres de haut sans dommages ou dégâts : ce type de situation n'engendre qu'une courte paralysie, évitable d'une simple charge au sol ou plongeon avant l'atterrissage. Le challenge se situera davantage du côté des phases de plate-forme "à la 3D Land/World" mentionnées en amont, ainsi que dans un after game extrêmement riche qui vaut le détour. Ce point bien particulier, que je vais essayer d'évoquer tout en maintenant le meilleur effet de surprise possible, constitue en toute honnêteté une des véritables énigmes de Super Mario Odyssey à l'heure de juger de ses forces et faiblesses.

 

 

Concrètement, terminer cet épisode de Super Mario, surtout en ligne droite, n'est non seulement jamais difficile, mais pas spécialement long non plus, bien que cela dépende de votre résistance aux appels à l'exploration du titre à gauche et à droite. Quasi dépourvu du moindre défi dans sa quête principale, la faute entre autre à des boss offrant tous le même pattern vu et revu de la "règle de trois" (comprendre : trois coups sur leur point faible et hop, terminé), Super Mario Odyssey préfère faire en sorte que le joueur ne soit jamais véritablement bloqué, s'assurant que le nombre de lunes exigé pour accéder à la zone suivante soit largement accessible. À part peut-être une ou deux phases un peu délicates, notamment parce qu'elles exigent des transformations moins faciles à manier que d'autres, on en viendra vite à bout, et le schéma de l'excellent Super Mario 3D World va se reproduire un peu comme on l'imaginait : un after game extrêmement conséquent, qui double quasiment la durée de vie du jeu, va être proposé une fois le défilement des crédits de fin terminé. Et tout comme dans l'opus Wii U, tout ce contenu post-jeu propose son lot de réjouissances, de jolies surprises, de défis additionnels… mais la quantité voulue par Nintendo a un prix, celui de la répétition. Passées les plus belles surprises (qui honnêtement, valent vraiment le coup !) et la chasse aux nouvelles lunes, on finit par saturer quelque peu, notamment devant le copier-coller de quelques quêtes entre chaque zone, qui deviennent à la longue abrutissantes. Certaines sont carrément ingénieuses, venant jusqu'à briser le quatrième mur à leur façon (en exigeant d'exploiter une feature propre à la Switch pour résoudre les énigmes liées), d'autres font véritablement office de remplissage, et il est presque dommage que Nintendo ait tant voulu que Mario marche sur les traces de Link sur ce qui était déjà un des points les plus sujets à débat de Breath of the Wild. La comparaison entre les centaines de lunes (dont le chiffre exact à collecter in-game continue de diviser les joueurs !) et les noix Korogu du dernier Zelda est légitime, bien qu'il soit heureusement possible de compléter les 100% de Mario Odyssey sans l'aide d'un quelconque guide, la plupart du temps. Et ce d'autant plus que Toad (qui monnaie ses informations, le salaud !) et un sympathique perroquet fournissent un paquet d'indices dans chaque zone…

 

 

         

 

 

L'odyssée interactive

 

 

Qu'on se le dise néanmoins : il y a des airs de "qui aime bien, châtie bien" dans ces dernières critiques. La durée de vie de Super Mario Odyssey n'est pas vraiment rallongée artificiellement, et en-dehors de quelques lunes dont l'accessibilité passe par une redondance évitable, la soixantaine d'heures de jeu exigée pour débloquer tout ce qu'il propose constitue un réel enchantement. Il y a en outre fort à parier que seuls les joueurs allant au-delà, pour le symbole d'un 100% vraiment explicite et indiscutable, le feront parce que totalement pris par le jeu, et ils devraient être assez nombreux. Super Mario Odyssey est addictif, propose une véritable dose de fraîcheur et de plaisir de jeu comme on l'espérait, et ce ne sont pas ses aspects les plus perfectibles qui nous en feront dériver aussi facilement. Sans forcément estimer qu'il absorbera les joueurs et les éloignera de tout autre titre comme a pu le faire Breath of the Wild, il sera sincèrement difficile d'en décrocher tant ce titre file la banane en permanence. De par sa simplicité et son accessibilité hors du commun, sa direction artistique prenant quelques risques pour un Mario, et ce charme permanent qui nous renvoie à une enfance plus ou moins éloignée en fonction de notre expérience de gamer, il remplit plus que largement son rôle et trouve également le moyen de franchir la dimension du simple titre solo. Jouable à deux en coopération (le second joueur contrôlant Cappy, avec un rôle évident de side-kick quand même), ce jeu de plate-forme pourtant pensé pour une aventure très personnelle s'offre un aspect social jamais vu dans un autre épisode de la saga. En plus d'intégrer des leaderboards bienvenus sur chaque mini-jeu (qu'il s'agisse d'un score ou d'un chrono), permettant de se mesurer au monde entier mais surtout à ses amis, Mario Odyssey s'avère tellement rempli de petits secrets de gameplay et de level design de tous les côtés qu'il favorise l'échange d'astuces et de détails partagés entre les joueurs, là encore à l'image du dernier Zelda. Énormément d'éléments restent encore à découvrir à l'heure de cette critique pourtant livrée près de trois semaines après la sortie d'un jeu dont je n'ai quasi jamais décroché en-dehors de mes obligations professionnelles, trop désireux de décrocher la lune – ou plutôt les largement plus de 500 que l'on imaginait à l'origine. Gageons que même dans plusieurs mois encore, les rubriques d'astuces des sites de jeux vidéo continueront de proposer de nouveaux trivias autour d'un titre qui semble inépuisable à ce niveau.

 

 

Bien qu'il soit sans doute trop tôt pour en parler, on peut forcément être tenté d'anticiper la suite des événements en évoquant le potentiel héritage de Super Mario Odyssey. Après tout, combien de fois a-t-on spéculé sur celui de Breath of the Wild, avec qui il est tant comparé ? Au cours d'une année où le bon vieux platformer a clairement été remis sur le devant de la scène (citons pêle-mêle Sonic Mania, Cuphead, Yooka-Laylee, voire Knack 2 ou Super Lucky's Tale… et bien entendu le retour de la célèbre trilogie Crash Bandicoot), ce bon vieux Mario devait s'imposer en patron comme à chacune de ses apparitions ou presque. Après tout, s'il n'y a aucun doute sur le statut d'excellent jeu que l'on concédera sans mal à Mario Odyssey, reste à voir s'il peut bénéficier de la même aura que l'illustre aïeul de 1997 auquel on se réfère inlassablement. Honnêtement, s'il n'acquerra peut-être pas (du moins de suite) la stature de chef-d'œuvre intemporel et influent que l'on attribue déjà, sans que cela ne semble prématuré, à "BotW", il fait indiscutablement d'ores et déjà partie des grands Mario, même s'ils sont finalement assez peu à avoir échappé à ce statut. Illustration supplémentaire d'un savoir-faire "à la Nintendo" mis en relief par chaque représentant de cette grande lignée, Super Mario Odyssey combine tout ce que l'on aime et attend d'un nouveau volet de cette riche série. Facile d'accès, doté d'une jouabilité exemplaire et pleine de surprises, quasi constamment propice à un émerveillement enfantin qui nous rappelle nos plus jolis cadeaux de Noël, il synthétise en somme ce que l'on aime dans les jeux vidéo, surtout quand on a eu la chance de naître en tant que gamer avec ceux aux allures de dessins animés interactifs. Une fois terminé, on a envie d'y rejouer encore et encore, d'en découvrir plus, et après tout, pourquoi sa sortie dès les débuts de la Switch ne nous autoriserait pas à rêver d'une suite un jour ? La Wii avait proposé, moins d'un an après sa sortie, un Super Mario Galaxy suffisamment acclamé pour justifier une suite fort bienvenue quelques années plus tard. Il ne serait franchement ni surprenant, ni désagréable, qu'un "Mario Odyssey 2" voie le jour dans les années à venir, et tous les amoureux de jeux vidéo ne pourraient que s'en réjouir. À moins de ne vraiment pas adhérer aux prises de risque inhabituelles de la série, il paraît difficilement concevable de ne pas succomber à ce joli festival plein d'étoiles qui nous envoie dans la lune…

 

 

 

 

Super Mario Odyssey nous avait promis la lune, et il nous envoie au minimum dans les étoiles. En récitant une partition audacieuse et impeccable, Nintendo témoigne une fois de plus d'une implacable maestria dès qu'il s'agit de mettre en scène sa mascotte dans un nouvel univers tout en 3D, riche et merveilleux. Si l'on pourra pester contre quelques bémols finalement inhérents à la saga, avec en tête d'affiche le relatif manque de challenge avant de passer au contenu post-fin, ou encore un certain déséquilibre de level design, il est fort probable que l'on succombe à cette nouvelle aventure aux allures de tour du monde original et plein de jolies surprises. Porté par un concept de gameplay tout bête mais diaboliquement efficace, une écriture sympathique et pleine d'humour qui rapproche enfin un Super Mario "canonique" des séries Paper Mario ou Mario & Luigi, et une direction artistique globalement magnifique (lorsqu'elle n'est pas carrément touchante), Odyssey s'inscrit sans aucune difficulté dans la lignée des autres Mario en 3D. En plus de constituer à ce jour le meilleur titre intégralement exclusif à une Switch qu'il met parfaitement en valeur, il montre qu'un bon vieux jeu de plate-forme / aventure "à la Mario" peut s'imposer indiscutablement comme un des jeux de l'année 2017, ce qui n'est pas peu dire quand on sait à quel millésime d'exception on a affaire. Voir Mario et Link aussi forts lors de la même année, et Nintendo revenir en force de la sorte pour sublimer une nouvelle console en si peu de temps, n'est pas quelque chose que l'on pouvait envisager il y a un an, et on ne peut qu'apprécier encore plus la surprise. Super Mario est toujours le personnage de jeux vidéo le plus emblématique et icônique de l'industrie, s'offre une fois de plus aux gamers à travers une expérience résumant finalement tout ce que l'on a aimé et aime toujours dans ce média, et vu qu'il refait le coup à chaque fois, on attend déjà la suite des événements avec l'impatience du gosse qu'il n'arrêtera jamais de réveiller en nous.



J'ai adoré / aimé :


+ Un Mario 3D en HD et en 60fps. Et portable en plus.

+ Vraiment beau et plein de charme, un vrai cadeau de Noël

+ Le mode photo, plein de filtres sympa en plus, pour des souvenirs d’un beau voyage

+ New Donk City, une crainte transformée en coup de cœur

+ Les univers en général, séduisants et au level design impeccable

+ Tellement d’idées de gameplay partout, c’est à en tomber

+ Jouabilité exemplaire (comme d’habitude avec Mario) et aux possibilités variées

+ Cappy est un excellent concept ET un PNJ de soutien sympathique

+ Character design et écriture des PNJ soignés, surtout pour un Mario

+ Scénario certes vu et revu mais réécrit sur fond d’une trame loufoque et délirante qui se tient

+ Ce sentiment d’aller de surprise en surprise qui n’est pas sans rappeler le dernier Zelda

+ Bande son ultra travaillée, avec de très bons thèmes qui resteront

+ Conserve les bons acquis des épisodes 3D Land / World

+ Sans révolutionner son genre, il le sublime au maximum

+ Beaucoup de trucs (cool, qui plus est) à récupérer et collectionner, plus que dans d’autres Mario

+ Temps de chargement quasi inexistants

+ Fin vraiment stylée et qui débouche sur un after game de dingue…

 


J'ai détesté / pas aimé :

 

– … mais qui devient redondant, aux allures de remplissage

– Trop facile ? Du coup, on n’ose pas imaginer le mode assisté…

– Les phases 2D jouables pas jouables à la croix

– Quelques éléments et textures étrangement moches

– Où sont passés les dégâts de chute ?

– La "règle de trois" appliquée à tous les boss, un peu marre, trop prévisible

– Les boss "lapin" manquent de charisme et sont vraiment oubliables

– Enchaînement des pays un peu trop linéaire

– Déséquilibre entre les pays, sur tous les plans (level design, bestiaire, rendu)

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