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Gran Turismo Sport – Tant qu'il y a de la vie, y a du sport

Des pavés dans la mer

21 mars 2018

Cela fait une bonne décennie que Gran Turismo s'est perdu en route. Un constat incroyablement rude et violent d'entrée de jeu, et impensable pour quiconque aurait passé une génération et demie de consoles en hibernation, resté(e) sur les souvenirs de l'excellence du quatrième volet aux frontières du réel sur PlayStation 2 en 2005, et les promesses d'un cinquième au "prologue" prometteur, déclencheur pour beaucoup de l'acquisition d'une PlayStation 3. Hélas, entre-temps, le rival Forza Motorsport a grandi, son troisième opus laissa de bien meilleurs souvenirs qu'un Gran Turismo 5 vieillissant avant l'âge, mal fini et corrigé (… et encore) trop tardivement par un Gran Turismo 6 dont personne n'attendait déjà plus rien ou presque. Dans ce contexte, une réaction était attendue pour l'arrivée de la licence sur PlayStation 4, quitte à attendre longtemps une nouvelle fois que Kazunori Yamauchi et ses équipes polissent au mieux leur nouvelle création. On n'était plus à une année ou deux près. Et pour nous faire patienter, quoi de mieux qu'un relatif spin-off orienté jeu en ligne, pour enfin offrir à la PS4 une exclusivité de qualité dans le seul domaine où elle se trouve objectivement en retard par rapport à la concurrence ? Oublions l'échec de Driveclub et laissons donc sa chance à l'inattendu et surprenant Gran Turismo Sport.



Note sur les conditions de jeu :

 

Cet article se base sur une expérience sur le long terme de Gran Turismo Sport : d'abord lors de premières sessions de jeu dès sa sortie, via un code pour lequel je tiens à remercier Sony, et ensuite au gré des différentes mises à jour ayant considérablement modifié (et amélioré) son contenu. N'y voyez pas un parti pris d'un fan désespéré de la licence souhaitant livrer une review de la meilleure version possible du titre, mais surtout celle d'un joueur de toute façon surbooké ayant préféré voir ce qu'un titre aussi évolutif pouvait donner avec le temps… choix qui fort heureusement, m'a plutôt donné raison en fin de compte. Comme de coutume, les features VR et PS4 Pro n'ont pas été testées, du fait d'un matériel sensiblement identique depuis toujours (et qui n'a pas vocation à changer de suite !).

 

 

 

 

L'homme avant la machine ?

 

 

Annoncé lors de la Paris Games Week 2015, ce qui constitua l'occasion pour beaucoup de défenseurs du jeu vidéo français de définir le salon parisien comme "enfin à la hauteur de la gamescom", celui que l'on abrégera rapidement en "GT Sport" constitua une surprise pour beaucoup. S'il était évident que Polyphony Digital planchait sur un Gran Turismo 7 jamais officiellement annoncé comme tel (en novembre 2013, Kazunori Yamauchi déclarait à Famitsu "Nous ne voulons pas attendre trop longtemps pour Gran Turismo 7. Le scénario idéal ? L'année prochaine"), la présentation d'un Gran Turismo Sport avait presque tout d'une énigme et semait le doute : ce n'était ni un prologue au probable septième épisode, ni ce dernier rebaptisé dans un but de rompre la monotonie de la série. En dévoilant un accent mis sur le multijoueur à une ère du tout-connecté (tel Driveclub bien sûr, mais aussi The Crew et les "deux licences Forza"), Sony ne faisait qu'inscrire sa série phare dans une logique d'évolution, bien que le "suffixe" du titre laisse entrevoir une dimension e-sport assez explicite. Après tout, la licence proposant de longue date des compétitions "réelles" brisant totalement le quatrième mur pour le coup, la perspective n'aurait surpris personne et aurait même semblé cohérente ! Avec sa jaquette mettant pour la première fois de la série le pilote (rageur et déterminé, qui plus est) en avant au détriment de la mécanique, Polyphony affirme un choix fort d'entrée de jeu.

 

 

Si, à l'heure de la rédaction de cet article, le destin d'un "GT7" demeure toujours inconnu, et que certains joueurs persistent à se demander s'il n'est pas devenu tout simplement en route cette mouture "sport" brisant la série pour lui donner un nouvel élan, Gran Turismo Sport a en tout cas choisi de bien tenir son rôle de titre suivi sur la durée, tout en perdant cet aspect exclusivement en ligne ou presque avec l'ajout d'une carrière solo qui lui faisait cruellement défaut à sa sortie. Sorti à l'automne 2017 dans le cadre d'une vraie-fausse concurrence avec un Forza Motorsport 7 ne cherchant quasiment qu'à promouvoir sa version 4K sur Xbox One X, "GT Sport" n'a pas voulu, pour une fois, s'imposer comme la claque visuelle et technologique habituelle que la série promettait à chaque nouvel épisode. Bien sûr, il demeure très beau (la plupart du temps, même sur une PS4 classique), mais son cœur n'est plus là. La dimension online souhaitée par Sony permet de fédérer une communauté de fans pour le coup bien spécifiques et de longue date, pour constituer des compétitions complètes et dotées d'un système de pénalités intéressant collant au sérieux de sa "clientèle", tout en conservant cet aspect "musée virtuel de l'automobile" que la franchise maîtrise mieux que quiconque depuis vingt ans. Au point de ne pas toujours savoir exactement où se situe son identité, surtout au vu de l'étonnante volte-face opérée deux mois après sa sortie, avec l'ajout du mode carrière solo (la GT League) espéré par beaucoup, sauf des joueurs ayant intégré la volonté de Polyphony d'innover et de prendre ses distances avec ce qui fit ses succès passés.

 

 

D'une certaine façon, la direction prise par Gran Turismo Sport manque un peu de clarté, mais ce n'est pas pour autant qu'elle se montre incohérente. La notion d'expérience et de récompenses liées est bien intégrée et donne envie de s'impliquer au quotidien dans un titre qui sait rétribuer ses joueurs avec générosité, pour leur talent comme pour leur fidélité. Alors certes, il n'est pas facile pour les vieux de la vieille rodés à coups de permis interminables et frustrants, dont je fais partie depuis le tout premier volet sur PlayStation, de faire abstraction de quasiment toute carrière solo d'office, et c'est pourquoi j'ai hésité à me procurer ce titre et d'en tenter une critique un jour. Les épreuves ayant remplacé les mythiques permis, modérément nombreuses et donnant un peu trop dans le recyclage, font un peu office de lot de consolation, mais permettront quand même de se faire à une nouvelle jouabilité : celle d'un Gran Turismo sur PS4, chose que l'on attendait forcément au tournant, surtout avec – enfin ! – une manette PlayStation convenable au niveau des gâchettes pour un jeu de course automobile. Certes, on est encore loin du pad Xbox Elite et des sensations qu'ils procure chez la concurrence, mais les sensations sont quand même plus appréciables… même si le ressenti in-game ne semble pas avoir vraiment beaucoup évolué depuis la PS3. Et le problème, c'est que cela peut se résumer à "depuis Gran Turismo 5 Prologue", sorti en 2008.

 

 

 

 

The Real Arcade Driving Game

 

 

Une interrogation (de plus ?) subsiste à l'heure de se décider sur le véritable feeling proposé par Gran Turismo Sport, manette en main. La série a toujours prétendu être à la pointe de la simulation automobile, en témoigne son pompeux sous-titre, "The Real Driving Simulator" – assumé pendant des années cependant – et fatalement, en conservant celui-ci pour une première production sur PS4, nous étions tous en droit de nous attendre à un bond en avant côté précision du gameplay, notamment depuis que deux nouveaux Forza Motorsport sont passés par là, sans oublier (surtout !) les "petits nouveaux" Assetto Corsa ou Project CARS. Hélas, à ce niveau, Gran Turismo n'évolue pas des masses, et pire, il se montre à la rigueur davantage orienté arcade dans sa jouabilité qu'avant. On ne parle pas ici du classique mode Arcade proposé par le jeu pour se faire la main, mais bel et bien d'un ressenti global sur un ensemble que Yamauchi et ses équipes ont souhaité ouvrir vers un plus large public, notamment à travers de cette dimension jeu en ligne quasi inédite pour une série qui n'a jusqu'ici que très peu travaillé dessus. Une volonté compréhensible et carrément aceptable, mais qui devient tout d'un coup moins claire avec le retour d'un mode carrière hors ligne (prévu dès le début, ou rajouté à l'arrache devant les protestations face au contenu ultra faible day one ?), qui s'il fait bien plaisir, se base exactement sur les mêmes rouages de jouabilité. De quoi osciller entre soulagement et frustration permanente : Gran Turismo Sport semble encore plus bizarrement équilibré maintenant qu'il est plus complet, mais il a cet étonnant mérite d'évoluer dans un respect du joueur assez surprenant, son modèle économique demeurant tout à fait convenable et évitant le surplus grossier de microtransactions, phénomène ô combien dans l'air du temps et détesté par beaucoup.

 

 

Devenu plus séduisant au fil de ses mises à jour, ce Gran Turismo se traîne quand même quelques bons vieux défauts inhérents à une saga dont on se demande perpétuellement si elle refuse délibérément d'avancer dans le bon sens, tant il semble inconcevable que Polyphony bute dessus. On pense aux bruitages toujours assez moyens bien qu'en amélioration – Yamauchi lui-même l'a admis – ou au système de collisions toujours aussi peu crédible, même pour une variante plus arcade de la série. La partie rallye est toujours aussi discutable depuis l'arrivée de "GT" dans l'ère HD, encombrant pour rien un espace déjà moyennement bien géré (et ce sans parler de circuits fictifs franchement peu inspirés, au détriment de tracés de légende, sous licence ou non). Enfin, comment ne pas déporer l'absence de météo dynamique, ce qui constitue une réelle marche arrière pour le coup ? En connaissance de tous ces éléments, gageons que Polyphony tirera le meilleur de l'expérience "GT Sport", aux allures d'énorme version bêta publique (et payante), pour revenir sur le devant de la scène avec un potentiel "GT7" en lequel on a malgré tout toujours envie de croire, tant le potentiel reste intact… mais insuffisamment exploité. Non, Gran Turismo Sport n'est pas un mauvais jeu, loin de là ; il n'est même pas moyen et on ne peut pas parler de déception. Il y a de quoi longuement occuper quand même, surtout en se prenant au jeu d'une production cherchant à rester constamment attirante – et pas juste à la grâce de superbes mécaniques toujours aussi finement modélisées, bien que trop peu nombreuses ici. On en veut juste plus et toujours plus, tant Gran Turismo fut symbole d'excellence à la japonaise deux générations de console durant par le passé. Et il n'y a pas de raison qu'il ne reprenne pas son trône un jour, s'il fait enfin les efforts requis. "GT Sport" amorce une direction intéressante, alors ne le boudons pas trop, surtout une fois doté de mises à jour (gratuites) l'ayant quand même considérablement amélioré.

 

 

 

 

En prenant un parti fort à travers un virage à 180° (bien strict et sans drifts sauvages), celui d'un épisode tourné vers le jeu en ligne, Gran Turismo tente un pari salutaire : celui d'évoluer, et même si cela ne va pas forcément dans le sens désiré par une bonne partie de sa communauté et de ses aficionados les plus "hardcore", l'effort est plus que louable. En s'affranchissant d'une numérotation prévisible l'enclavant dans une logique de progression l'étant tout autant, et ne pouvant que susciter des attentes évidentes de toute une fanbase très exigeante, "GT" se libère du joug de celle-ci et prend ses aises, conservant juste son célèbre aspect très feutré comme zone de confort pour quiconque a déjà tâté de son atmosphère. À travers cet épisode "Sport", c'est une sorte de hub central très moderne qui nous est proposé, où tout est accessible rapidement et avec une aisance déconcertante, le tout sur fond de thèmes toujours très jazzy/lounge donnant envie d'y jouer sur un immense écran 4K HDR 60" dans un salon ultramoderne, verre de bourbon et cigare à proximité. Gran Turismo reste sérieux, et se modernise, ce qui fait quand même plaisir à voir. On ne peut que déplorer réellement cette jouabilité laissant toujours perplexe, surtout après avoir tâté de Forza Motorsport 7 au même moment : ça fait diablement du bien de jouer à un "GT", mais il y a encore du travail. On en vient quelque peu à espérer que cet opus quasi exclusivement en ligne fasse figure de bêta géante (mais à l'addition salée) impliquant plus que jamais une grande communauté de pilotes unie dans une attente commune : le retour de "The Real Driving Simulator".



J'ai adoré / aimé :

 

+ Un titre évolutif dans le bon sens, qui laisse augurer du meilleur pour l'avenir
+ Relativement joli quand même, surtout quand ça touche aux voitures

+ Rapide et simple d'accès, quitte à trahir quelques fondamentaux

+ Très bons menus, portés par une BO ambiante toujours savoureuse

+ Cet éternel côté "musée automobile virtuel" unique et propre à la série

+ Une dimension compétitive et/ou en ligne réussie, qu'on adhère ou pas

+ Les épreuves aux allures des bons vieux permis

+ Plus accessible et permissif, ce qui n'est pas désagréable…

 


J'ai détesté / pas aimé :

 

– … mais nous éloigne vraiment de l'aspect "simulation" historique

– Bruitages et collisions "à la Gran Turismo", à force gênants pour de la PS4

– Équilibrage global assez douteux, pour ne pas dire discutable

– Contenu souvent insuffisant handicapé par des erreurs de casting

– Un certain problème d'identité, pas toujours très claire

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