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NieR:Automata – Yoko Taro joue ses atouts

Des pavés dans la mer

31 août 2018

Il est des jeux qui ne laissent pas indifférent(e). Affublé de "branlette pseudo philosophique" ou de "GOTY absolu" selon les opinions, décrié pour sa technique d'un autre âge voire son manque de variété et de profondeur dans le gameplay mais adulé pour son écriture et sa bande son exceptionnelles, NieR:Automata est clairement de ces œuvres auxquelles il semble requis de s'essayer pour vraiment comprendre ce qu'elles valent. Initialement pas forcément parti pour me pencher sur son cas, le titre de PlatinumGames (ou plutôt, devrait-on dire, de Yoko Taro) a néanmoins trouvé moyen de retenir mon attention en fin d'année 2017, en partie parce que Persona 5 m'avait ouvert de nouvelles voies… mais aussi parce que cet incroyable millésime justifiait que j'en dresse le bilan le plus complet possible. Aussi, loin de céder uniquement au charme mystérieux de 2B ou à la facilité d'un nouvel univers de désolation post-apocalyptique, je me suis lancé dans une nouvelle aventure sans rien en attendre, loin de tout préjugé positif ou négatif – parce que maintenant, je me fiche qu'un jeu soit étiqueté RPG ou non, et surtout, parce que ce titre énigmatique suscitait bien trop de curiosité en moi. NieR:Automata a-t-il de quoi rivaliser avec un panthéon 2017 personnel quasi immuable que Assassin's Creed Origins et Horizon Zero Dawn, aux mécaniques comparables par moments, n'ont su remettre en question que par intermittences ? Ou bien tiens-je plutôt la vraie déception d'une année qui en manquait un peu ? Voici mon verdict, complexe, à l'image du jeu vidéo auquel il fait face.



Note sur les conditions de jeu (et avertissement sur les spoilers) :

 

Cette critique complète de NieR:Automata se base sur une expérience d'une soixantaine d'heures de jeu m'ayant permis de conclure la trame de base dans son intégralité et de voir les fins principales (ainsi que quelques optionnelles), tout en complétant plus de trois quarts des quêtes annexes. Mes différentes sessions ont toutes été jouées sur le disque de la version "Day One" du titre, d'abord sur ma fidèle PlayStation 4 "fat" durant une vingtaine d'heures, puis ensuite sur une PS4 Slim. L'intégralité des captures d'écran a été effectuée par mes soins, notamment avec une technique de simili mode photo improvisée et pas piquée des hannetons dont je ne suis pas peu fier. Enfin, même si je m'efforcerai de rester le plus vague possible, rédiger une analyse complète d'un tel jeu requerra d'en évoquer un miniumum la trame pour expliquer sa profondeur scénaristique et la critiquer au mieux. Soyez donc prudent(e)s, on ne sait jamais.

 

 

 

 

 

YoRHa qu'à essayer…

 

 

Il m'a maintes fois été répété que je ne comprendrais et n'apprécierais pas la nouvelle création de Yoko Taro à sa juste valeur sans m'essayer a minima à la précédente, NieR bien évidemment, elle-même héritière de la série des Drakengard conçue par le même auteur. N'ayant hélas pas spécialement le temps à accorder à cet opus "PS360" déjà attaqué en son temps sur les mêmes points que son cadet, j'ai alors choisi d'opter pour le parti d'une découverte potentiellement incomplète d'un univers, parce qu'il m'avait aussi été suffisamment expliqué qu'Automata se suffisait à lui-même et que l'on pouvait grandement se laisser happer par son univers sans connaître les tenants et aboutissants du lore complexe créé par son concepteur hors du commun. Cette review jugera donc le jeu du point de vue d'un joueur cherchant à vous le recommander (ou le déconseiller, rayez la mention inutile) si vous n'avez jamais joué à aucune œuvre de Yoko Taro et que vous souhaitez savoir si NieR:Automata peut être malgré tout pour vous, et surtout s'il vaut le coup ou non. Que vous ayez l'habitude des productions de PlatinumGames ou pas, et quelle que soit votre connaissance et votre vision du (J-)RPG, je vais tenter au mieux de répondre à ces interrogations. La première sera vite levée, au-delà du spoiler de ma propre critique : oui, il ne faut pas hésiter à "consommer" le titre édité par Square Enix en méconnaissance totale de ses prédécesseurs, car il peut tout à fait se suffire à lui-même. La suite de cet article va donc s'attarder sur le pourquoi d'un tel constat.

 

 

Le 22 décembre 2016, les démos de Gravity Rush 2 et de NieR:Automata apparaissaient de concert sur le PlayStation Store. Si la première avait mes évidentes faveurs du fait d'un amour incommensurable pour un premier épisode par ailleurs remasterisé depuis peu, la seconde n'attirait qu'une vague attention de ma part, surtout au vu de l'étrange hype qu'elle générait autour de moi (en gros, sur ma timeline Twitter). Je ne connaissais NieR que de nom, ne l'avais jamais possédé ne serait-ce que pour la collection, et étais juste au courant de la sortie prochaine d'une suite, à laquelle je n'avais pas du tout prévu de jouer – parce que dans mon esprit, l'équation "RPG = non merci" avait encore la vie dure, un peu moins d'un an avant de me frotter à "P5". J'en téléchargerai néanmoins la démo, évidemment pas jouée en priorité, mais expérimentée malgré tout par curiosité, le temps de me dire quelque chose comme "ouais, c'est pas ouf quand même". Il faut dire que la façon dont Square Enix a présenté cette semi exclusivité PS4 (le jeu allait sortir peu après sur PC, puis environ 15 mois après sur Xbox One, DLC inclus) n'avait pas de quoi convaincre les sceptiques. Mettant en scène une phase de combat dynamique mais assez bordélique dans un environnement aussi industriel que terne, la démo permettait d'emblée de constater la pauvreté technique inquiétante d'un jeu certes d'apparence en 60fps constants (ce que presque toujours personne ne propose dans les environnements en "full 3D", plus de 10 ans après l'avènement des consoles HD…), mais surtout terriblement daté visuellement – une tare qui pénalisait d'ailleurs déjà NieR en 2010. En outre, la thématique, basée sur un duo d'androïdes envoyés sur une Terre dévastée et dépeuplée de toute forme d'humanité, ne m'emballait pas plus que cela. Clairement, à aucun moment, NieR:Automata ne me donnait envie d'être surveillé de près, pas même son héroïne aussi vivace qu'hyper-sexualisée, délire très japonais auquel je n'adhérais nullement. Bon, d'ailleurs, je n'y adhère toujours pas spécialement, en fait.

 

 

 

 

Et puis, comme je l'expliquais précédemment, fin 2017 le messie Persona 5 est passé par là, me faisant comprendre, un peu comme le firent Nirvana et le rock bruitiste/indé quinze ans plus tôt, que je pouvais totalement m'intéresser à des styles sortant de mes standards personnels, et que des pépites cachées pouvaient conquérir mon cœur de joueur là où je ne les attendais pas. Soucieux de compléter une collection de "très gros jeux" sortis en 2017, j'ajoutai alors NieR:Automata à un riche backlog qui exigeait d'abord de m'attarder sur Assassin's Creed Origins (une évidence de toute façon) et Horizon Zero Dawn à qui je souhaitais donner une seconde chance (qu'il a plutôt méritée par ailleurs, comme je l'explique dans ma critique récente). Un élargissement imprévu de ma vision du jeu vidéo étant passé par là depuis, je partis alors du principe que le jeu de PlatinumGames passait de "OSEF" à "pourquoi pas", mais sans rien en attendre de précis : là où j'espérais encore que Horizon trouve sa place dans mon cœur, je me fichais quasiment du statut que je donnerais à Automata. Et vous en conviendrez aisément, il n'y a finalement pas de meilleure façon d'apprécier une œuvre qu'en limitant les attentes placées en elle au strict minimum. En l'occurrence, même si j'avais décidé d'en faire "le jeu de mes vacances" et donc de risquer de gâcher une partie de ces dernières en cas de grosse déception, je ne lui mettais pas vraiment la même pression qu'un "P5" dont je sentais inconsciemment qu'il allait me captiver, et ce même s'il m'a fallu une bonne trentaine d'heures de progression (!) pour m'en convaincre. De plus, NieR:Automata n'avait pas de quoi susciter une passion soudaine dès ses premières minutes de jeu, et pour cause : il démarre exactement sur la démo qui m'avait laissé une impression plus que mitigée, et ne donnait pas spécialement envie d'aller plus loin. Pas de quoi se transcender, en gros… mais bon, l'expérience m'a prouvé suffisamment de fois qu'un sacré paquet d'œuvres, quelle que soit leur nature, exige de passer outre une introduction longuette ou des premières impressions peu reluisantes. La promesse d'un jeu qui plus est assez court (mais intense) acheva de me convaincre de prendre un minimum de temps, dans l'espoir d'infirmer un scepticisme malgré tout initialement modéré. Une petite trentaine d'heures plus tard ("assez court", qu'ils disaient…), un premier bilan pouvait s'imposer, avant de comprendre que NieR:Automata n'est absolument pas terminé lorsqu'on l'a fini. Et de comprendre, surtout, que l'on a rien compris, et que ça ne fait que commencer, ou presque…

 

 

 

 

A2, c'est mieux

 

 

Vous le savez sans doute déjà si vous vous êtes un peu renseigné(e) sur NieR:Automata : finir le jeu une seule fois ne sert à rien et on passera à côté de son propos, et même, de l'intégralité de son scénario. Le dernier Yoko Taro est cependant mis en avant pour la multiplicité de ses épilogues à tort : il fonctionne en vérité à travers un faux concept de New Game + comme on en a rarement vu. Audacieux dans sa volonté de nous faire reprendre le cours de son histoire sous un autre angle, Automata donne cependant quelque peu l'impression de se foutre de nous lorsque l'on entame la "route B". C'est là qu'intervient toute la difficulté d'expliquer le fonctionnement de ses arcs narratifs, ce qui constitue un exercice au moins aussi périlleux que de jouer à Dark Souls au stick arcade. Certes, on recommence la trame déjà vécue, comme dans toute nouvelle partie de ce type qui se respecte, mais avec suffisamment de nouveautés pour réaliser qu'on est en fait dans une sorte d'acte II d'une histoire dont la première fin n'en est en vérité pas une – un constat qui se raffermirera encore davantage une fois passée la relative surprise de la fin "B" (en fait, les vrais retournements de situation se déroulent un peu avant, mais elle n'en demeure pas moins tout à fait intéressante). Cependant, il y a fort à parier que de nombreux joueurs conspueront cette espèce de second acte mettant en relief une répétitivité que le premier run dissimule très bien à la grâce de ses nombreuses side quests allant du sympathique au franchement marquant. On appréciera évidemment de retrouver des protagonistes communs, d'autant plus qu'une bonne partie d'entre eux, en dépit d'une absence totale d'humanité au sens propre, suscite une rare empathie. Une grosse année avant le Detroit: Become Human de Quantic Dream, la compassion envers les androïdes prend plus forme que jamais, et facilite l'intérêt pour une écriture évidemment soignée et très originale. Il ne faut pas avoir honte à l'idée de se pâmer devant les idées de Yoko Taro, certes complètement barrées, mais poussant la personne derrière la manette à réfléchir à bon nombre de questions existentielles en compagnie d'androïdes et de machines qui ont toutes les raisons du monde de les poser. Si NieR:Automata choisit régulièrement de parodier voire de se moquer de la philosophie ou de la religion, il souhaite également leur rendre de surprenants hommages, à commencer par toutes ces machines baptisées en références à d'illustres noms du "milieu" (Engels, Marx, Pascal, Adam et Ève, etc.), et livre un script extrêmement riche et brillant la plupart du temps, bénéficiant en outre de très bon sous-titres français permettant d'en apprécier toute la subtilité. Bien entendu, il est très hautement recommandé, en l'absence de VF, de jouer avec les doublages japonais originaux, d'excellente facture, plutôt que d'un doublage anglais bien moins pertinent ici.

 

 

 

 

Comme sous-entendu quelques lignes plus haut, ce n'est pas non plus avec la fin [B] (oui, c'est comme ça qu'il faut l'écrire) que le titre de PlatinumGames se conclut pour de bon. Il reste en fait plusieurs heures de quêtes inédites, annexes ou non, à vivre, et ce en diversifiant encore davantage les points de vue. L'androïde 2B, très agréable à diriger la plupart du temps, se distinguait de par une sensualité froide et dérangeante cachant la violence impitoyable d'une véritable machine de guerre. À ses côtés, 9S, unité de soutien dotée d'un peu plus d'humour et clairement plus fragile en apparence que sa partenaire, a quand même tout du gros boulet que l'on espère ne jamais avoir à incarner tant il est pénible de s'y identifier. S'il dispose de l'exclusivité de très sympathiques séquences de piratage, dans un style extrêmement rétro sur fond de réorchestration 8-bit des musiques de Keiichi Okabe et Keigo Hoashi (sur lesquelles, vous vous en doutez, je reviendrai plus bas), le seul protagoniste mâle jouable de NieR:Automata en est aussi le maillon faible. Je ne révélerai bien entendu rien de sa destinée mais son exploitation devient à la longue particulièrement agaçante, là où A2 est bien trop en retrait et tardivement mise en avant (à l'image de la jaquette du jeu, ou encore de celle de la bande originale dont elle est carrément absente !). Il ne s'agit bien sûr que d'un point de vue personnel, mais qu'il est dommage d'avoir mis aussi peu en vedette un personnage aussi extraordinaire, qui ne se révélera qui plus est qu'à celles et ceux s'étant suffisamment accroché(e)s pour la découvrir réellement ! La relative inégalité de traitement des personnages principaux n'est certes pas la pire faiblesse du titre, mais elle n'en demeure pas moins regrettable par moments, surtout à l'heure du bilan et une fois la "vraie fin" obtenue.

 

 

La multiplicité des points de vue permet néanmoins à NieR:Automata de s'offrir une variété de gameplay assez inattendue, et surtout bienvenue au vu d'une certaine routine que la "rejouabilité" fait éclater au grand jour. S'il s'agit en premier lieu d'un jeu de rôle avec les composantes habituelles qui en découlent, on comprendra vite où se situe la patte de PlatinumGames tant l'aspect beat'em all est présent. À travers des affrontements explosifs sans retenue portés par un framerate à 60fps (… quand il tient) traduisant toute la rage de 2B et de ses semblables, le titre s'offre un système de combat bien à lui, à la croisée des styles, lorsqu'il ne verse pas dans le shoot'em up pur et dur. Si apprécier ce type de jouabilité est un atout non négligeable pour se sentir davantage impliqué dans chaque séquence de jeu, l'ensemble se trouve une surprenante cohérence et ne choque jamais vraiment – au contraire d'une alternance entre 2(.5)D et 3D parfois injustifiée, sauf peut-être lorsque le recul de caméra abyssal permet de réaliser la petitesse du personnage joué face à l'immensité de machines aux dimensions irréelles. Bon nombre des combats se déroule contre des mastodontes d'apparence invincibles, et s'ils n'ont pas de réelle profondeur tactique, ils ont le mérite de bénéficier d'une mise en scène spectaculaire à défaut d'être incroyablement soignée… la faute à une réalisation d'ensemble, effectivement, moyenne pour ne pas dire passable. Le genre de truc qui aurait pu totalement plomber un jeu vidéo, sauf que là encore, on ne parle pas de n'importe quel jeu, et tout n'est pas aussi simple.

 

 

 

 

La beauté est ailleurs

 

 

Sans chercher à trop jouer les philosophes de comptoir inspirés par un titre qui les amènerait un peu trop à se comporter de la sorte, il faut bien rappeler que la notion de beauté est très relative. Juger de la qualité esthétique de NieR:Automata exige autant d'objectivité que de subjectivité, et il y a clairement deux façons de l'appréhender : soit on avance d'emblée, sans concessions, que le nouveau jeu de PlatinumGames est franchement vilain la plupart du temps, voire honteux pour un titre de cette génération (surtout qu'on n'en est plus à ses débuts), soit on lui concède un charme unique en son genre, loin des canons communément admis, et on s'applique à l'apprécier de la sorte. Ici, la réalité se situe honnêtement un peu dans une sorte d'entre-deux. Désireux d'imposer un taux d'images par seconde élevé pour profiter de la fluidité de l'action et – surtout – de séquences de combat (en mode beat'em all ou shoot'em up) exigeant clairement les sacro-saints 60fps, Platinum est forcé de faire de gros sacrifices sur la technique. La distance d'affichage en pâtit, la résolution en devient bâtarde (il s'agit d'un 900p assez grossièrement upscalé), le clipping et l'aliasing sont encore plus visibles que la culotte de 2B, mais tout ceci pourrait à la rigueur se comprendre et se pardonner si la modélisation des univers était réussie. Hélas, il faut bien admettre que ce n'est pas toujours le cas. Si l'on peut s'accomoder de la teinte d'ensemble très terne voire grisâtre, qui constitue clairement un choix de design souhaitant mettre l'accent sur le statut post-apocalyptique de la situation, la majorité des textures est bâclée, fade, et assez choquante même pour le joueur capable de faire la part des choses. Comme NieR en son temps, déjà pointé du doigt exactement pour les mêmes raisons, Automata semble appartenir à la génération de consoles précédente, où il aurait clairement fait beaucoup moins tache d'un point de vue réalisation. En fait, à de très nombreux moments, et surtout lors des phases en 2D (disposant pour le coup d'une fluidité exemplaire), on a presque l'impression d'un jeu indépendant trop gourmand, qui n'a pas su limiter des ambitions dopées par le gros budget d'un mastodonte comme Square Enix pour en assurer la production.

 

 

Néanmoins, la faiblesse technique de NieR:Automata est à relativiser pour de multiples raisons. En effet, il n'est pas de ces titres trop prétentieux et mal finis face à qui on choisira de se montrer moins indulgent (salut Mafia III), mais résulte plutôt de la volonté d'un homme d'aller au bout de ses idées, malgré le bide de sa précédente création. Soutenu par un studio de renom ayant excellé dans l'action et/ou le beat'em all ultra nerveux (MadWorld, Bayonetta, Vanquish, Metal Gear Rising: Revengeance, The Wonderful 101… on continue ?), et surtout par la puissance de Square Enix derrière, Yoko Taro se voit offrir un appui incroyablement solide pour concevoir une œuvre qu'il ne veut à aucun moment révolutionnaire, et ne souhaite pas amener à concurrencer les cadors du genre : il dispose juste de quoi mener à bien son rêve de suite attendue par les fans. En cela, le fond passe clairement avant la forme, même si un tel constat se doit d'être largement nuancé. Non, le nouveau NieR n'est pas moche, ni piètrement réalisé. Oui, il est à part, unique en son genre, à l'image d'un ensemble se jouant parfaitement de toute convention au sein d'une industrie qui se prend de plus en plus au sérieux (à raison), et rien que pour cela il faut lui pardonner ses errances de réalisation. Après tout, NieR:Automata demeure parfaitement jouable comme déjà mentionné précédemment, et les quelques chutes de framerate rencontrées lorsque le personnage court ne brisent pas suffisamment le rythme d'une aventure traversant malgré tout des paysages dans l'ensemble marquants et plutôt variés. Même s'il demeure assez loin des références dans le style "post-apo" urbain (The Last of Us, sorti près de quatre ans plus tôt et sur un support antérieur, est bien plus joli !), le titre de PlatinumGames s'offre des environnements agréables à parcourir et plutôt bien fichus, bien qu'évoquant forcément à tou(te)s d'autres jeux vidéo ayant proposé les mêmes thématiques. Pêle-mêle, pour ma part, j'aurai pensé à "TLoU" immédiatement donc, mais aussi à Final Fantasy VII tant l'esthétique de Midgar se retrouve en de nombreuses occurrences, à Journey et même Spec Ops: The Line dans la partie désertique de la carte, à ICO ou plus généralement aux jeux de Fumito Ueda dans une forêt remplie de ruines de pierre… ou à n'importe quel jeu d'aventure "à donjons" lors de séquences du même tonneau.

 

 

 

 

D'autres univers plus originaux et décalés sont proposés dans NieR:Automata et je les tairai délibérément pour vous en laisser la surprise – notamment une zone assez importante dans l'histoire, jouable relativement tôt et qui vaut le détour, aussi bien pour son design général que ses personnages et surtout, la bande son qui l'accompagne. Comme vous vous en doutez, je vais accorder une grosse partie de cette critique à l'aspect musical d'un jeu qui a reçu des éloges massifs de la presse et des joueurs à ce sujet, et ce d'autant plus que cette thématique importe énormément pour moi. Signée Keiichi Okabe et Keigo Aoshi, qui s'était déjà fait remarquer sur NieR sept ans plus tôt, la bande originale composée par le duo ayant aussi œuvré sur Drakengard 3 constitue, pour pas mal de monde, le plus gros point fort d'un titre qu'on peut ne pas aimer… tout en succombant à ses musiques. Les plus mélomanes d'entre nous ont compris depuis belle lurette que les compositions accompagnant une aventure virtuelle sont souvent soignées, et qu'être charmé(e) par une "OST" davantage que par l'univers qu'elle complète peut tout à fait se concevoir depuis plus de vingt ans ; cependant, il est assez évident que des productions orchestrales ou à l'instrumentalisation moderne ont davantage de chances de toucher tous les types d'oreilles, et ce même sans forcément s'intéresser au contexte qu'elles souhaitent décrire. Je vous recommanderai donc tout simplement l'écoute de la BO intégrale de NieR:Automata (3 CD au total) même si le jeu en lui-même ne vous tente pas spécialement, tant elle peut se savourer à part de l'œuvre d'origine, sans rien en spoiler qui plus est. Bien sûr, il est encore bien plus appréciable de faire connaissance avec elle in-game et de se réserver la surprise d'instruments ou de voix lorsque l'on pénètre dans une nouvelle zone, et c'est tout naturellement que je préférerai vous suggérer de la découvrir en jouant au jeu. Entre envolées lyriques puissantes traduisant le gigantisme démesuré de certains affrontements, portions acoustiques ou intimistes pleines de naïveté ou teintées de mélancolie poignante, ou encore thèmes plus expérimentaux mais irrésistiblement marquants… en passant par un sacré paquet d'instruments, et de l'immense variété du registre d'interprétation vocale d'Emi Evans, il y a de tout dans cette bande originale. D'une ouverture grandiloquente s'offrant un moment de grâce à l'orgue jusqu'aux ultimes couplets de la sublime "Weight of the World" (aux variations toutes géniales), on est sur ce que je taxerais presque volontiers d' "OST parfaite" s'il n'y avait pas quelques titres un peu négligeables dans le tas. Reste que l'ensemble est exceptionnel, et j'ai encore moins peur de l'avancer avec si peu de retenue après consultation de nombreux articles sur la même thématique…

 

 

 

 

2B Continued…

 

 

Le génie musical d'un jeu ne peut toutefois pas tout sauver si la réalisation globale demeure trop bancale pour susciter une indulgence absolue. Certes, NieR:Automata reste agréable à parcourir, n'est pas non plus horriblement vilain, bénéficiant d'un réel charme aussi désuet que percutant, et il aurait fallu qu'il soit injouable ou pénible pour s'en agacer. Par chance, en plus de proposer un dynamisme déjà loué en amont, et une surprenante variété de styles de jeu, la création de PlatinumGames fait merveille lorsqu'il s'agit de se distinguer dans son genre. Si elle propose divers modes de difficulté d'entrée de jeu, opter pour le difficile offrira un minimum de challenge aux abonnés absents en mode normal… du moins par défaut. Et pour cause : dans Automata, c'est un peu vous qui personnalisez votre niveau de difficulté, ou plutôt d'assistanat, à travers un système de puces parfaitement génial (et je pèse mes mots). Vu que l'on incarne un androïde, celui-ci est équipé de tout un tas de puces conditionnant son fonctionnement et même l'apparence du monde qui l'entoure. Ces dernières, qui s'acquièrent soit dans les échoppes croisées aux quatre coins de la map, soit dans les butins lâchés par les ennemis fraîchement occis, peuvent être agencées à votre guise sur trois emplacements entièrement personnalisables en fonction du profil que vous souhaitez donner à votre personnage (ou des situations) : soit vous pouvez privilégier l'attaque, soit la défense, ou la jouer plus équilibré, mais surtout, l'intégralité des puces est interchangeable du moment que l'espace requis est utilisable. Chaque emplacement se gère finalement comme un disque dur, avec une fragmentation à optimiser au mieux, en tenant compte de ses limites… que l'on peut néanmoins upgrader jusqu'à un certain stade. La richesse de ce système est telle que l'on passera pas mal de temps à alterner entre les configurations, les améliorer, tester l'effet des puces sur notre personnage en combat, et ne trouve sa faiblesse que dans l'aide démesurée qu'elle peut offrir par moments. En usant des bonnes puces, il est assez simple de devenir presque invincible, à condition de rassembler assez de suppléments de santé (pas forcément récurrents dans les coffres et sur les dépouilles ennemies, mais proposés à tarifs hyper raisonnable en magasin). À noter que les puces en question permettent également de personnaliser l'affichage à l'écran : à vous de voir si vous voulez "gaspiller" un précieux espace pour vous accompagner en permanence d'une mini-carte, d'indications sur le niveau de vie des adversaires en temps réel, des zones de pêche (oui), etc.

 

 

Il y aurait matière à digresser sur la perfection de ce système de puces pendant des heures, aussi je ne m'étendrai pas davantage dessus, et en profiterai-je tout juste pour louer la qualité d'un menu extrêmement ergonomique, qui rappelle un petit peu le système d'exploitation d'un vieil ordinateur et colle parfaitement au profil de l'androïde joué. En terme d'immersion, NieR:Automata a bien compris que ce n'est pas via sa réalisation qu'il excellera, alors il choisit plutôt de parler au joueur, de l'impliquer dans l'utilisation de son personnage, et de le piéger régulièrement. Là encore, il serait regrettable de gâcher la surprise, aussi me contenterai-je d'évoquer ce fameux "quatrième mur" si cher aux sophistes du jeu vidéo, que l'œuvre de Yoko Taro fait voler en éclats à d'innombrables reprises. Malin, parfois moqueur mais toujours juste, ce jeu s'adresse comme il le faut à un joueur soucieux de prendre soin de sa machine et de rester à son écoute, au point d'accepter la logique parfois décousue qu'il impose. Bugs visuels et sonores délibérés par-ci par-là, artifices divers visant à complexifier volontairement la sauvegarde (uniquement manuelle, et pas forcément quand on veut) ou les déplacements rapides… beaucoup d'éléments sont pensés de manière à entretenir une certaine panique de ne pas maîtriser totalement un androïde, qui plus est, en pleine crise existentielle. L'interaction avec d'autres joueurs trouve également tout son sens avec le concept de reliquats : lorsqu'un androïde tombe au combat, sa dépouille reste sur la map là où sa progression s'est arrêtée, et en prenant sa relève, on peut se rendre sur le lieu du "corps" et en récupérer l'intégralité des puces équipées… ce qui vaut donc pour notre propre cas (on restaure donc, en quelque sorte, notre personnage précédent en allant le "récupérer") mais aussi pour ceux d'autres joueurs. C'est l'occasion de lire les messages laissés par ces derniers, basés bien entendu sur une pré-sélection de propositions intégrées au jeu, et de choisir de récupérer une partie de leur équipement… ou de les faire combattre à nos côtés jusqu'à ce que l'ennemi les achève.

 

 

 

 

La recherche des nombreuses fins annexes (21 en tout) constitue une autre manière de prolonger le plaisir et de constater jusqu'à quel point Yoko Taro a soigné son étrange univers, rempli d'innombrables références à NieR et à ses personnages (certains faisant par ailleurs office de PNJ importants dans Automata). Vous disposez d'une puce dite "vitale" dans votre inventaire ? Enlevez-la donc pour voir. Une mission exige que vous vous rendiez à un lieu précis sans plus attendre ? Faites fi de votre statut d'androïde de combat supposé obéir aux ordres, et tentez de mener votre existence comme bon vous semble. Le jeu regorge de petites surprises, souvent amusantes et bien pensées, permettant de compléter un scénario en plusieurs actes dont venir à bout exigera une bonne trentaine d'heures si vous négligez ses à-côtés pourtant fort attirants (sinon, comptez le double). Et si vous n'avez pas envie de vous coltiner la bonne vieille chasse aux trophées, le jeu vous propose de les acheter à prix fort avec sa propre monnaie, moyennant des sommes quand même très élevées, dans une boutique dédiée exclusivement à leur déverrouillage (une de ses meilleures features humoristiques, assurément). En plus de l'amélioration des (très) nombreuses armes à découvrir ou des "pods" vous accompagnant (et dont l'usage et la troublante personnalité robotique font clairement office de bons points), complétion de bestiaire, d'archives en tous genres… il y a environ soixante quêtes annexes à compléter, que le jeu vous laissera gérer à l'envi une fois la vraie fin déclenchée. Celle-ci vous récompensera en effet en offrant la plus grande liberté possible dans un monde ouvert somme toute assez bizarre, d'apparence immense mais finalement très limité, blindé de murs invisibles affligeants et imprévisibles (car pas cohérents d'une zone à l'autre), et imposant beaucoup d'allers-retours, du moins au début du jeu.

 

 

Il faut en effet préciser que les "voyages rapides" se font à partir de terminaux où l'on peut également sauvegarder (ainsi que dans le rayon les entourant, matérialisé sur une carte franchement très minimaliste pour ne pas dire moche), recevoir des messages de la part du commandement des opérations… si au début le concept de la sauvegarde manuelle imposée (et martelé par le jeu pour que ça rentre bien dans le crâne) peut agacer, il s'avère assez peu pénalisant en fin de compte. Atteindre un de ces terminaux se fait généralement sans mal, tant il est simple d'échapper aux combats contre des ennemis qui ne vous poursuivront jamais vraiment. Le schéma de progression reste un peu répétitif dans l'ensemble, surtout (j'insiste vraiment dessus) si l'on fait une croix sur les quêtes annexes, et le risque d'être découragé(e) d'un jeu qui se fiche régulièrement de nous demeure bien réel. Comprenez par là que si vous ne rentrez pas dedans, malgré ses innombrables bonnes idées et toute son originalité, NieR: Automata peut lasser, ne pas donner envie d'aller à son véritable terme, et ce serait terriblement dommage, surtout que le voyeurisme dérangeant qu'il semble étaler de prime abord fait vite place à une grande profondeur d'écriture, témoignant d'une œuvre mature et réfléchie. Sa "rejouabilité" assez unique étant une de ses forces, il serait vraiment regrettable de lâcher l'affaire en cours, mais on peut toujours espérer que ses vrais points forts, malgré tout, donnent envie de s'y attacher, et d'y accrocher jusqu'au bout, tant il a de choses à raconter. Et ce n'est pas à moi de le faire, mais vraiment à vous de le découvrir, j'insiste.

 

 

 

 

NieR:Automata n'est pas un jeu comme les autres et il est tout simplement très difficile d'en tirer une appréciation, même subjective. Rempli de contrastes et d'inégalités, entre sa direction artistique fascinante tempérée par une réalisation d'un autre âge et sa bande son d'anthologie rompant la monotonie d'une aventure trop souvent répétitive, il faut lui trouver de sacrées grandes forces pour en tirer un bilan positif. Fort heureusement, c'est en adhérant au "délire" du génie qu'est Yoko Taro que l'on fait aisément fi de faiblesses de façade qui n'empiètent en fin de compte que trop peu sur l'ensemble. Le jeu de PlatinumGames ne se laisse peut-être pas aisément approcher, et il est malheureusement possible de le lâcher en cours de route pour diverses raisons, mais une fois vraiment rentré(e) dedans, on voudra clairement connaître toutes les issues d'une histoire aux multiples rebondissements et aux épilogues bien distincts, portée par une narration étonnante et venue d'un autre monde. S'il n'a pas forcément l'étoffe d'un jeu d'anthologie qui marque une vie de joueur comme trop peu de jeux le font par an, il arrive malgré tout à se hisser au niveau d'une année pourtant très riche en grands titres à côté desquels il n'a pas vraiment à rougir. Sans doute un peu surestimé par certain(e)s, ce nouveau NieR est quand même un sacré bon jeu, excellent et mémorable par moments, dont il est fort probable de ressortir avec des souvenirs plein la tête, entre esthétique loufoque mais marquante, personnages de grande qualité voire inoubliables, et une des bandes originales les plus fabuleuses sur fond lesquelles il ait été donné de jouer à un jeu vidéo. À l'heure du bilan, on se dit qu'il aurait quand même été très triste que Yoko Taro ne puisse nous offrir une telle œuvre, car maintenant qu'elle a connu le succès commercial qu'elle méritait, on en veut plus, et encore mieux que cela désormais. Me concernant, je vous recommanderai donc de vous y essayer : vous pourriez être très, très agréablement surpris(e). Ce fut mon cas, et je retiendrai donc de NieR:Automata ma deuxième vraie bonne surprise de 2017.



J'ai adoré / aimé :

 

+ Bande originale purement exceptionnelle et inoubliable

+ 2B et A2, deux héroïnes aux personnalités surprenantes

+ La thématique post-apo, maîtrisée de façon originale même si vue et revue

+ Les environnements traversés ont un vrai cachet

+ Énormément de réflexions sous-jacentes qui valent le détour

+ Un vrai bris de quatrième mur, du début du jeu jusqu'à son ultime épilogue

+ Grosse autodérision sur les menus, l’ergonomie du jeu et des interfaces

+ Le concept des puces pour une difficulté personnalisée, du pur génie

+ L’interface du menu, dans un style OS de machine, très bien fichue

+ Le système ingénieux autour de la récupération des corps

+ Toutes ces fins possibles, amusantes à aller chercher pour certaines

+ Une durée de vie pas trop rallongée bêtement malgré tout

+ Les pods, des side kicks originaux et de grande qualité

+ De nombreux PNJ, jamais humains, mais passionnants voire touchants

+ Les phases de piratage sur fond de chiptune, c'est fun et décalé

+ Les combats qui ont la patate (pas surprenant le passif riche du studio)

+ La possibilité d'acheter les trophées, une vraie bonne blague bien assumée

+ Le 60fps offre un dynamisme délicieux en combat…

 


J'ai détesté / pas aimé :

 

… au détriment du rendu graphique, globalement très vilain

– Très austère, voulu ou pas, c’est parfois gênant

– Le framerate en dents de scie bien trop fréquemment

– 9S est un incommensurable (et parfois insupportable) crétin

– Une certaine répétitivité, surtout dans la route "B" qui finit par gaver

– Les murs invisibles, parfaitement dégueulasses et incohérents

– Les angles de caméra infâmes quand on passe sur des plans 3D fixes

– Certains passages de la 3D à la 2D ne se justifient pas du tout

– L'ATH manque de lisibilité sur certains points (sans parler de la carte, atroce)

– Un bien drôle de monde ouvert quand même…

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